« La contrevoie : Voie ferrée sur laquelle les trains circulent en sens inverse de celle située en parallèle. »
La contrevoie est peut-être « la troisième voie », celle qui n’est ni le centre, ni la marge. Loin des enjeux de production, et d’expositions, la contrevoie est peut-être la question fragile mais essentielle du processus de création. C’est pour cette raison que j’ai voulu donner la parole et un champ d’expression libre à des artistes, des directeurs de lieux, écrivains, architectes, directeurs de revues d’art afin qu’ils puissent nous parler de leurs expériences. Ils ont tous pris des itinéraires exemplaires, exigeants, indociles, ils résistent. Ce sont des rebelles. Michèle Cohen, commissaire de l’exposition
On aperçoit la contrevoie, que ce soit à 200 km à l’heure depuis la voiture de Rudy Riccioti pour Bernard Plossu, en roulant au pas entre Essaouira et Marrakech pour Mikael Serfaty, ou en marchant à côté de la petite ceinture parisienne pour Claire Renier. Qu’est ce que cherche notre œil quand il détourne le regard et se perd sur les bas côtés ?
« Comme Bernard Plossu, je regarde de côté. Les bas-côtés, les interstices. Là où, à première vue, il n’y a rien à voir. Le goût du voyage que je partage avec lui, commence là, dans cette manière de desceller un peu les assises de tout lieu. Juste pour voir (comme on le dit au jeu). Pour voir ce que ça fait. Ou pour regarder ce qu’on ne saurait voir. Que, ensuite, on parcoure ou non la terre, n’a guère d’importance : la distance et la proximité ne sont pas des coordonnées spatiales, elles sont l’espace en nous.
Pour autant, rien n’est plus éloigné d’une photographie qu’un texte, tant la vision qui se déploie en chacun d’eux est différente. Si dans la première, l’image possède une substance stable, elle est dans le second mouvante, venteuse et comme incapable de se solidifier. Et sans doute est-ce un tropisme d’écrivain qui me fait aimer les photographies de Bernard, car ce qu’il y a d’incertain, de jamais arrêté, et d’ouvert à une profondeur – dont le flou n’est que la surface sensible et la voie d’accès – touche en moi une aire d’expérience qui me paraît être celle dont le poème est le plus juste territoire. Ainsi, non en regard mais dans la résonance des photographies d’Impair et passe et de bien d’autres que je garde mémoire, je dirai des poèmes de La réalité n’a rien à voir et quelques uns, plus récents, encore inédits. »
Renaud Ego
Cette exposition a donné lieu à la parution de livres coédités par Al Dante et LA NON-MAISON :
Gilles A.Tiberghien, Claire Renier, La Rampe, Éditions Al Dante / La Non-Maison, 2011
Rudy Ricciotti & Bernard Plossu, Impair & passe, Al Dante / La Non-Maison, 2011
Élisabeth Pariente, Michael Serfaty, La Contrevoie, Al Dante / La Non-Maison, 2011