« C’est l’inactuel de ce sujet qui m’intéresse, son intemporalité. » Michèle Cohen
« Réunis, attendant de l’être ». L’attente, l’oubli, de Maurice Blanchot
Lorsque le FRAC Provence-Alpes-Côtes d’Azur m’a proposé de participer au projet « Ulysses, un itinéraire d’art contemporain » conçu par Pascal Neveux et Karina Bianchi dans le cadre de Marseille-Provence Capitale Européenne de la Culture 2013, j’ai choisi de donner « Le marin de Gibraltar » de Marguerite Duras à des artistes, comme point de départ à leur création plastique. Pendant un an, LA NON-MAISON s’est transformée en lieu d’échange, de recherche, de croisements et d’exposition évolutive et permanente. Il y a aussi eu cette « autre » espace, un ailleurs sur le site de LA NON-MAISON, L’École du Regard, où dialoguent les artistes à travers la distance, auteurs, critiques, public…
Pourquoi Le marin de Gibraltar ?
Le marin de Gibraltar est pour moi une version contemporaine du mythe d’Ulysse, revisité par une femme, et un écrivain de génie.
Pour Duras, le voyage de l’homme en quête de lui même touche au mythe, et dans la recherche du bonheur, ce qui compte n’est pas tant le bonheur que la recherche elle-même. Il faut chercher et ne pas trouver, et même chercher en sachant qu’on ne trouvera pas, en priant qu’on ne trouvera pas. L’autre est précieux, parce qu’il est attente. Je ne rencontre l’autre aimé jamais vraiment, et c’est pourquoi il ne me quitte jamais.
Marguerite Duras fait partie des auteurs qui donnent une importance sacrée à l’écriture, et qui, de ce fait, creuse des galeries secrètes entre texte et images. L’indicible traverse toute l’œuvre Durassienne, il fait naître une écriture qui prend le pari de faire apparaître ce qu’elle ne contient pas : son envers…
Au delà du choix du Marin de Gibraltar, il y a aussi le fait, important et symbolique, de donner une oeuvre littéraire comme point de départ à une oeuvre plastique. Ce «voyage», depuis la naissance de l’homme, des images vers l’écriture, et puis de retour de l’écriture vers les images, est un autre voyage d’Ulysse. Les relations entre littérature et arts visuels sont au coeur des préoccupations de LA NON-MAISON.
De janvier à décembre 2013, les artistes invités et résidents à LA NON-MAISON réaliseront un travail de recherche, donnant lieu à des documents, des traces visuelles ou sonores. Des rencontres rythmeront ces « work in progress » en plusieurs volets tout au long de l’année 2013. La plupart de ces artistes travaillent depuis toujours au croisement entre littérature et arts visuels. Cette exposition évolutive se réalisera sous la forme d’un cadavre exquis visuel où chaque artiste laissera une œuvre, un signe ou une trace et l’artiste qui suivra l’intégrera ou rebondira à partir de cette œuvre. Najet Tnani, professeur de littérature à Tunis écrira sur les œuvres et fera le lien avec le monde de Duras, un colloque à la fin de l’année en décembre 2013 relatera les traces de ces conversations croisées à distance et relayées par le site.