Pierre Parlant
1866
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Pierre Parlant

MA DURÉE PONTORMO

 

L’Ecole du Regard – Point de vue [14]

Samedi 9 décembre 2017

 

Ma durée Pontormo est le deuxième volet d’un triptyque, « autobiographie d’un autre », qui comprend d’ores et déjà Les courtes habitudes, Nietzsche à Nice (NOUS, 2014) et sera complété par Une cause dansée (écrit à la suite d’une Mission Stendhal au Nouveau-Mexique et en Arizona, sur les pas d’Aby Warburg).

 

Ce triptyque, entrepris en 2005, se propose d’explorer, sous le rapport d’un phrasé poétique dont la prose est le soutien, ce qu’il en est de ce qu’on préfèrera nommer ici mania  plutôt que folie, telle qu’elle aura en tout cas pu caractériser les existences respectives de Jacopo Pontormo, de Friedrich Nietzsche et d’Aby Warburg. Nul point commun immédiat entre ces trois figures exemplaires, sinon ce qu’on pourrait repérer chez chacun comme l’insistance d’une passion de l’excès conférant à cette mania son accent singulier : une passion chromatique chez Pontormo ; une passion climatologique chez Nietzsche ; une passion mémorielle et chorégraphique chez Warburg.

 

Ma durée Pontormo

L’écriture de cet ensemble a trouvé, chemin faisant, de multiples points d’appui pour se constituer.

D’abord, évidemment, celui fourni par la contemplation de l’œuvre picturale d’un peintre (Jacopo Carucci, dit Pontormo, 1494-1557) que l’histoire de l’art a tenu à classer, de façon aussi rapide qu’assez peu suggestive, dans le courant maniériste du XVI° siècle italien.

Point d’appui tout aussi essentiel, celui de son Journal, écrit au commencement de l’année 1554, soit trois ans avant la mort du peintre, alors âgé de 60 ans. Un ensemble bref (une vingtaine de pages), insolite et dépourvu de prime abord de toutes les intentions et de toutes les qualités littéraires propres au genre. S’y côtoient en effet principalement, et de façon relativement décousue, des observations disparates et des prescriptions d’ordre hygiénique et diététique. Sans jamais les priver de leur puissance, se trouvent ainsi reléguées au second plan les anecdotes biographiques et les allusions au travail de l’artiste.

Cruciale enfin a été l’expérience consistant à se rendre à plusieurs reprises sur place (Florence, Empoli, Carmignano, Certosa di Galuzzo, Poggio a Caiano, La Spezia) afin de mettre à l’épreuve ce que suppose, ce qu’exige et permet chaque fois, la nécessaire présence in situ du regardeur des œuvres.

 

C’est le rapport inattendu au temps dont le Journal du peintre témoigne qui a déterminé la composition du livre. Un temps décisif dans sa mention systématique (Pontormo est scrupuleux, attentif au calendrier et à la suite des jours) et cependant très vite « flottant », comme si tout repérage objectif devenait subsidiaire. Comme si le marquage quotidien devait finalement se retrouver absorbé dans le flot et l’épaisseur, souvent confuse, des contingences d’une vie marquée essentiellement par le souci de l’œuvre et l’inquiétude d’un sujet.

 

Il n’aura pas été de peu d’effets sur l’écriture de ce livre qu’en son ordre celle du Journal coïncide avec la réalisation entreprise à l’époque par Pontormo des fresques du chœur de la basilique de San Lorenzo à Florence. Ces fresques, on le sait, ont été détruites. Il ne nous reste à présent que quelques-uns des dessins préparatoires ainsi que les indications lapidaires du Journal, lequel se trouve en retour affecté, pour nous qui le lisons aujourd’hui, d’un surcroît de nostalgie.

Pierre Parlant

Poète, écrivain, agrégé de philosophie. A fondé et dirigé la revue de littérature et de philosophie Hiems de 1997 à 2003 (11 livraisons). Lauréat de la Mission Stendhal en 2010 (au Nouveau-Mexique et en Arizona, sur les traces d’Aby Warburg en pays Hopi). A bénéficié d’une résidence d’écriture de six semaines à Beyrouth (avril-mai 2015) à l’invitation du Centre international de poésie de Marseille, de l’Université Rennes II et de la Maison internationale des écrivains du Liban. A participé en 2016 au séminaire de traduction IMPORT/EXPORT (CipM), Marseille/Seoul.

 

A notamment publié : Les courtes habitudes, Éditions NOUS, 2014 ; Exposer l’inobservable, Éditions Contre-pied, 2014 ; Ciel déposé, Éditions Fidel Anthelme, 2015 ; Qarantina, Éditions du CipM, Un refuge en Méditerranée, 2016 (traduction en arabe aux éditions Snoubar Bayrout, 2016) ; Ma durée Pontormo, Éditions NOUS, 2017. A conçu et écrit le livret de mor(a)mor, oratorio d’après le mythe de Pyrame et Thisbé (Métamorphoses, Ovide), musique de Jean-Michel Bossini.