Françoise Nuñez
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JO LE ROUGE [OU LE MARIN DE GIBRALTAR]

Exposition personnelle de Françoise Nuñez

 

Du 13 janvier au 8 février 2013

 

« –  Parlez moi de votre bateau, dis-je, du Gibraltar.

– Ce n’est pas une histoire de bateau.

– On m’a dit que c’était celle d’un homme.

– Il était de Gibraltar, cet homme.

– Non, Il n’était vraiment de nulle part. »

 

« Certains jours, je me demande si je ne l’ai pas complètement inventé ;

inventé quelqu’un à partir de lui.

Son silence était extraordinaire,

une chose que je ne pourrai jamais décrire. »

 

« …le monde, avec fierté, le portait encore. Comme il lui faisait honneur au monde ! C’était l’un de ses habitants les plus à sa mesure, un connaisseur, en somme, de ses profondeurs. Ah que ça lui allait bien de vivre, à celui là ! De quelle histoire resurgissait-il encore ? Quel vertige de circuits, de lacis, de nuits, de soleils, de faims, de femmes, de poker, de coups du sort avait il fallu pour le ramener là, en fin de compte, devant moi ? »

 

Extraits choisis du Marin de Gibraltar de Marguerite Duras par Françoise Nunez.

Françoise Nunez, Au large d'Alicudi, Italie, 1988

Cette exposition a été réalisée dans le cadre du projet « Ulysses, un itinéraire d’art contemporain » organisé par le FRAC Provence-Alpes-Côtes d’Azur pour Marseille-Provence Capitale Européenne de la Culture 2013.

Françoise Nuñez est une photographe du lointain et du voyage. Ethiopie, Inde, Japon… Il semble que sa photographie ne se déploie que dans cet état d’apesanteur, d’ouverture au monde qu’offrent ces moments privilégiés où l’on se retrouve soudain plongé dans un quotidien dont on ignore encore les règles.

 

Il n’y a pas chez elle un souhait de décrire ou d’explorer les aspects « exotiques » des lieux qu’elle parcourt, mais plutôt, par cette immersion dans une vie soudain étrangère, de retrouver une sorte d’hypersensibilité de la conscience et de consacrer entièrement son temps à la mettre en images.
Si le voyage est son domaine, paradoxalement, son regard est essentiellement proche, familier : il a cette qualité d’effacement de soi, il se coule avec tellement d’aisance dans le flux de ce qui l’entoure qu’il parait en faire partie.

 

Dans la préface du livre de Françoise Nuñez sur l’Inde, Jean Christophe Bailly raconte une anecdote, qui illustre l’impression profonde que lui inspirent ces photographies. Alors qu’il est à Delhi, un soir, il achète un thé à un vendeur des rues et il s’accroupit par réflexe pour boire comme que le font les habitués. En faisant cela, il se sent passer dans un espace différent, devenir un autre : il appartient à ce monde qui l’entoure. Nous avons tous connu ces moments d’épiphanie où nous cessons d’être étrangers au monde et où il coule librement en nous. La photographie de Françoise Nuñez est ainsi : pas de moment décisif, mais un écoulement du monde qui vous traverse comme une rivière.

 

Didier Brousse